Ces étudiants rejettent l’application de l’arrêté 2019 sur la notation des diplômes et exigent en outre l’octroi de bourses aux lauréats des différentes promotions, ainsi que l’augmentation du nombre de bus dans les universités. Face à ces revendications, Africaguinee.com a interrogé Dr Facinet Conté. Dans cet entretien, l’actuel secrétaire Général du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, a été tranchant.
AFRICAGUINEE.COM : Des étudiants ont une nouvelle fois manifesté à Conakry pour exiger le respect du protocole d’accord signé entre eux et votre département le 27 février 2024. Quelle est votre réaction ?
DR. FACINET CONTE : Ces étudiants veulent noyer le poisson. En réalité, les points relatifs à l’octroi de bourses et l’augmentation du nombre de bus universitaires, c’est des points sur lesquels nous sommes en train de travailler. C’est d’ailleurs des points qui ont un début d’application. Parce que les majors de promotion dont ils parlent, nous organisons des tests pour eux pour choisir les meilleurs et les mettre dans des programmes de formation à l’étranger.
Pourquoi je dis que ces étudiants cherchent à noyer le poisson ? C’est parce qu’en réalité, le seul point qui les dérange, c’est l’application du règlement de 2019 sur la notation. En 2019, nous n’étions pas encore au ministère. Il y avait un arrêté en 2007 quand on rentrait dans le LMD (Licence-Master -Doctorat). Ceux qui nous ont précédés en 2019 ont compris qu’il fallait revoir l’arrêté de 2007 parce qu’il était trop léger. On est parti en 2019. Mais il y a toujours des brebis galeuses dans le système.
Alors, le département a décidé de l’application effective de l’arrêté de 2019. C’est un secret de polichinelle, il y avait ce problème de faux diplômes qui gangrénait notre système. Ce n’est pas les universités qui en étaient forcément à la base mais il y avait toujours des faussaires au niveau de ces institutions qui se mettaient à produire ces faux diplômes. C’est quelque chose de très grave. Et c’est ce qui nous a amenés à un programme de sécurisation et de traçabilité de diplômes. C’est l’aboutissement de ce programme de sécurisation et de traçabilité de diplômes qui nous a amenés à comprendre qu’il y avait une institution sur les 17, qui n’appliquait pas le règlement de 2019, en l’occurrence l’université général Lansana Conté- Sonfonia (UGLC- SC).
Ayant constaté cela, nous avons rappelé tous les diplômes délivrés par cette université. Ces étudiants qui se disent du collectif, c’est un petit groupe qui est de l’université Gamal Abdel Nasser… En fait, c’est si on ne rappelait pas les diplômes de Sonfonia qu’on pouvait penser à une injustice.
Le secteur éducatif est crucial pour le changement positif d’un pays. Donc, on ne peut pas s’amuser avec les réformes. Que des étudiants disent « c’est comme ça on doit nous évaluer, avoir les mentions », vous pensez que ça c’est acceptable ? Est-ce-que nous qui avons accepté d’accompagner le CNRD dans sa volonté de refondation et notamment dans ce secteur vital, devons accepter de telles pratiques ? Non ! Et c’est là le problème.
Mais pourquoi ceux de l’Université de Gamal sont dans la protestation de cette réglementation de 2019 ?
Nous sommes au mois de mars 2024, les étudiants de Gamal ont leurs diplômes, il y en a qui ont commencé à prendre mais ils disent maintenant qu’il faut qu’on leur applique le règlement de 2007. Mais, c’est le monde à l’envers. 2019 nous a tous précédés, donc pour le moment on ne doit même pas parler de règlement de 2007, parce que la nouvelle abroge celle antérieure.
Il faut que les jeunes comprennent qu’on ne doit pas accepter la facilité. Un parent, s’il ne vous éduque pas dans la rigueur avec des valeurs, il vous a sacrifiés à vie. Si les enfants sont habitués à certaines facilités, c’est parce qu’on va de concession en concession. Dans l’éducation il ne doit pas y avoir de la politique ni de concession. Il y a des règles, tout le monde les respecte et on avance.
Selon ces étudiants, il n’y a pas eu suffisamment de sensibilisation à leur niveau avant l’entrée en vigueur de cette réglementation. Que répondez-vous ?
Nous sommes en 2024 ! En 2019, lorsque ce texte entrait en vigueur, nous n’étions pas là. Pensez-vous que c’est normal que ces étudiants disent qu’on ne les a pas sensibilisés ? C’est juste qu’ils veulent de la facilité. Et, vouloir l’accepter c’est trahir le pays.
Ils réclament également des bus pour les universités. Qu’est qui est fait par rapport à cette revendication ?
Une grande première en Guinée, il a fallu l’arrivée du CNRD pour doter nos universités de bus. Ces enfants savent-ils combien coûtent ces bus ? Et, ça ne peut pas se faire à la minute, c’est petit à petit qu’on avance. Avec le peu de bus qu’on a, la mobilité des étudiants est facilitée maintenant. On veut faire mieux mais voyons le contexte, nous sommes en 2024, c’est une année où les ressources sont un peu limitées à cause de certains facteurs que nous tous connaissons.
Sincèrement, je pense qu’une telle revendication, on doit la poser sous forme de doléance, l’autorité de tutelle porte cette doléance à sa hiérarchie, et puis on essaie de suivre pour aboutir à un résultat satisfaisant. Mais s’il faut du bruit, manifester par-là, ça n’a pas de sens surtout que nous, nous sommes conscients qu’il faut mettre tous les acteurs du système dans les conditions.
L’autre revendication phare des étudiants, c’est la récompense du mérite, en accordant des bourses d’études aux majors des différentes promotions. Que pouvez nous en dire à propos ?
Pour le cas des majors, nous avons des collaborations avec des structures à l’étranger, il y a l’IAE (Institut d’Administration des Entreprises de Tunis), 2iE (Institut International d’ingénierie et de l’Eau et de l’Environnement) de Burkina, d’ailleurs pour le 2iE, la première fois qu’on a organisé des tests, aucun des majeurs n’est passé. On n’a eu que trois admis et qu’on a envoyés à l’IAE de Tunis.
L’année passée on a eu dix (10) pour l’IAE de Tunis. Bref, nous sommes conscients que ce pays-là n’avancera pas sans des Hommes bien formés. Le système LMD de par le passé nous avait maintenu sur un pallier, la Licence. Actuellement nous sommes en train de faire des études pour faire l’état des lieux des études avancées. Les coûts de Master étaient désordonnés, nous avons réuni tous les acteurs du système pour harmoniser les coûts de master. Aujourd’hui, les masters sont à un niveau. C’est un processus évolutif.
Ce qu’il faut évaluer chez nous, c’est notre volonté de bien faire. Mais vous le savez, on a envie de mieux faire parce que nous pensons avoir un privilège d’être là où on est et donc, on doit travailler.
Quel message avez-vous à l’endroit de ces étudiants ?
Le message que nous lançons à ces étudiants, ce de ne pas accepter la facilité. Aller vers la facilité c’est les sacrifier à vie. Ce qu’ils doivent nous dire, c’est de nous battre pour améliorer leurs conditions, ça c’est un processus. Il faudrait que les gens comprennent que le règlement de 2019 nous a tous précédés et donc nous devons tous nous aligner sur les normes internationales. Les gens sont appelés à se frotter à leurs frères de l’étranger, si on fonctionne en vase clos, un jour viendra où certains seront capables de sortir pour dire que ces messieurs-là nous ont sacrifiés. Nous, ce n’est pas ça notre souhait. Notre volonté c’est de pouvoir former un guinéen capable de servir ici et à l’étranger parce qu’on est dans un village planétaire.
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