Me Traoré à propos des 36 mois de transition adoptés par le CNT: « c’est un chronogramme conflictogène » (Interview)

Me Traoré à propos des 36 mois de transition adoptés par le CNT: « c’est un chronogramme conflictogène » (Interview)

Réunis en session plénière le mercredi 11 mai, le Conseil National de la Transition a fixé à trois ans la durée de la transition après avoir été saisi par le colonel Mamadi Doumbouya, qui avait proposé une durée de 39 mois pour la transition. Au sein de l’organe qui fait office de parlement, l’ancien bâtonnier fait partie des conseillers qui ont voté contre ce chronogramme.

Dans un entretien exclusif qu’il a accordé à la rédaction, il estime que c’est un chronogramme conflictogène. Aussi, celui qui a été désigné par le barreau motive les raisons qui sous-tendent sa position et ne s’avoue pas vaincu.
Entretietien

Le CNT a approuvé 36 mois de transition en lieu et place de 39 comme le demandait le CNRD. Comment réagissez-vous à cette actualité ?
Me Mohamed Traoré : Ma réaction est toute simple : la démocratie, c’est dans une certaine mesure la dictature de la majorité. La majorité l’a emporté. Je suis en effet de cette petite minorité qui a voté contre le chronogramme tel qu’il a été soumis à l’examen et à l’adoption des conseillers nationaux.
Vous faites partie des conseillers qui ont voté contre ce chronogramme adopté , quelles sont les raisons qui motivent ce rejet ?
Les raisons qui motivent ma position sont nombreuses. Sur le fondement des dispositions de la Charte de la Transition, je ne suis pas convaincu que le CNT soit habilité à valider le chronogramme et la durée de la transition. La Charte de la Transition constitue la Constitution de cette période de transition. Elle s’impose à tous les organes de la transition y compris le CNRD. Chacun doit s’y soumettre.
Le CNT avait-il le droit d’adopter la durée de la transition ?
Les attributions du CNT sont clairement définies par cette Charte. Si on voulait lui conférer d’autres attributions, notamment l’adoption ou la validation du chronogramme et la durée de la transition, il fallait penser à réviser la Charte puisque cette possibilité est prévue par ce texte même. Ensuite, sur le plan formel, le chronogramme a été validé par le CNT sous la forme d’une résolution. Ce qui ne me paraît pas conforme à l’article 60 du règlement intérieur du CNT. Je pense donc qu’il y a eu un forcing juridique. Enfin, ce chronogramme n’est pas consensuel. Tout le monde peut le constater. Et pour toutes ces raisons, il porte les germes d’une crispation qui se profile à l’horizon. Je dirai même que c’est un chronogramme conflictogène. Je ne peux pas m’associer à un tel chronogramme. Et c’est mon droit le plus absolu. Je pense qu’en cette période où les autorités qui conduisent la transition n’ont pas plus de légitimité que les autres composantes de la nation notamment les acteurs politiques et de la société, le dialogue et la concertation devraient être le fil conducteur de toutes les actions à entreprendre. Il ne sert à rien d’user d’artifices. Je dis de façon claire que ce n’est pas la durée de 36 mois qui me dérange. J’avais moi-même évoqué et soutenu cette idée dans une tribune et dans l’émission » ORLM » de Djoma FM en estimant que cela devrait être la durée maximale. Et cela, c’était bien avant d’être nommé membre du CNT. Je ne peux pas me contredire et me montrer incohérent par rapport à cette position. Mais très malheureusement, cette durée me semble avoir été tout simplement imposée. En plus, il n’y a aucune indication sur le point de départ du délai de 36 mois. J’entends dire que c’est à partir de la promulgation de la résolution. Mais il faut dire qu’une résolution n’est pas soumise à promulgation. Certains diront peut-être que c’est à compter de la publication de la résolution au Journal officiel. Mais qu’en est-il des neufs mois déjà écoulés. Le Mali dont une bonne partie du territoire échappe au contrôle du pouvoir central et qui fait face une énorme crise sécuritaire est en train de négocier aujourd’hui avec la CEDEAO la durée de la transition. Mais quelle que soit la durée à retenir, il fallait éviter un passage en force.
Maintenant que vos voix n’ont pas été prises en compte, que comptez-vous faire ?
Encore une fois, c’est le jeu de la majorité. En ce qui me concerne, je ne peux qu’en prendre acte. Dans tous les cas, je ne me faisais pas d’illusions sur l’issue du vote. Je connaissais à peu près la tendance. Mais je vais continuer à me battre au sein de l’institution en espérant qu’à l’occasion d’autres votes, je parviendrai à rallier le maximum de conseillers nationaux à ma position. Je souhaite simplement que les débats soient plus libres et que personne ne tente de museler personne. C’est ce qui sera inacceptable.
Merci à vous Me Mohamed Traoré !
Mosaïqueguinee.com

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L'Equipe de la Rédaction