Coup d’Etat au Niger : enfin les crocs « pas trop rigides » de la CEDEAO !
Depuis des années, on n’a pas senti la CEDEAO aussi déterminée à mener une guerre sans relâche contre les militaires qui prennent goût au pouvoir en faisant irruption sur la scène politique. Peut-être que pendant ce temps d’hibernation, l’institution manquait de véritables leaders qui ont de l’étoffe et qui soient au-dessus des reproches qu’on fait souvent aux régimes autoritaires. Désormais on peut compter sur le Président nigérian, pour réveiller l’institution sous régionale qui, à dire vrai, était en mort cérébrale.
Tinubu a, dans un ton assumé, juré de ne plus laisser une parcelle d’espoir aux putschistes.
Ce dimanche 30 juillet, à Abuja, au Nigéria, à l’occasion d’une session extraordinaire de la CEDEAO, il a voulu être en harmonie avec ses engagements de départ à propos des coups d’Etat, quand il prenait les commandes de la présidence en exercice de l’institution au début du mois de juillet à Bissau. Les sanctions ainsi prises contre les nouveaux maitres autoproclamés du Niger, portant indéniablement la marque du nouveau patron du géant nigérian, sont inédites et sans précédent. Elles vont de la fermeture des frontières à l’interdiction faite aux avions en partance et à destination du Niger de survoler l’espace aérien des autres pays membres de l’organisation. Sans compter la suspension des transactions commerciales avec le pays des militaires putschistes ainsi que la suspension de la participation du même pays à l’UEMOA. Comme si tout cela paraissait peut-être insuffisant, les chefs d’Etat de la CEDEAO, sous le leadership de Tinubu, donnent un ultimatum d’une semaine aux militaires au pouvoir au Niger pour qu’ils rétablissent dans ses fonctions le président élu qu’ils ont déposé. A défaut, ils entendent utiliser tous les moyens possibles pour les y contraindre, y compris la force.
Pour une fois, tous les chefs d’Etat adhèrent à l’initiative. Pour la plupart d’entre eux, c’est moins la volonté affichée de lutter contre une pratique rétrograde en démocratie, car ils n’en sont pas des modèles. C’est plutôt une manière de mettre en garde des velléités qui existent dans leurs pays respectifs, alimentées par une gestion corrompue qui muselle et embastille les voix dissonantes.
Malgré la détermination débordante, la fermeté et la rigueur qui animent, pour l’une des rares fois, les présidents des pays de l’espace sous-régional, des doutes scintillent quant au succès promis à l’initiative. Il y a des concours de circonstances qui amplifient ce doute. La présence de l’autre putschiste, président du Tchad, en est la preuve si besoin en était. Mahamat Idriss Deby est mis à contribution pour amener ses amis putschistes du Niger à faire ce que lui il a refusé dans son pays. Quelle bêtise ! Quelle incohérence que cette collaboration, en pareille situation avec un chef d’Etat qui est arrivé au pouvoir par effraction, et qui a trahi ses engagements de départ en décidant de garder pour toujours son trône. La coïncidence troublante avec l’excès d’engagement de la France qui est pourtant trop complaisante ailleurs, fait planer le doute d’une manipulation de la puissance coloniale en vue de garder la mainmise sur le Niger, leur dernier bastion militaire très stratégique au Sahel.
L’autre facteur qui pourrait faire obstacle au succès de l’initiative, ce sont les moyens militaires dont dispose la CEDEAO pour réussir son plan de retour à l’ordre constitutionnel.
Dans l’espoir de survie de l’institution, la CEDEAO a intérêt à démentir les pessimistes pour éviter que son espace soit une zone propice aux coups d’Etat, par conséquent hostile à la culture de la démocratie.
Mognouma Cissé