Dans cette interview avec le ministre des Sports, nous abordons la question de l’élimination de la Guinée de la plus prestigieuse compétition du football africain prévue au Royaume Chérifien en 2025, le manque de stades homologués et les perspectives pour le football Guinéen. Entretien exclusif.
AFRICAGUINEE.COM . La Guinée ne sera pas au rendez-vous de la première CAN à 24 équipes, après sa défaite contre la Tanzanie. Comment réagissez-vous ?
KÉAMOU BOGOLA HABA : Nous faisons partie des meilleures équipes d’Afrique et vous avez suivi le match contre la Tanzanie. Mais revenons d’abord sur les conditions. Sous une température de 35 degrés, ce sont des conditions qui n’étaient pas favorables à l’équipe adverse qui venait d’arriver. C’est important de signaler cela.
De l’autre côté, posez-vous la question, pourquoi la Tanzanie a jugé nécessaire de faire entrer ce joueur au numéro 26 ? Ni son maillot n’a existé sur la feuille du match, ni son identité n’a été donnée. Pourquoi ils le font ? C’est parce qu’ils avaient un plan. Pourquoi ils l’ont fait ? C’est pour empêcher la Guinée d’égaliser. Donc moi je pense qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont ; et les règles sont claires là-dessus, il faut absolument les respecter. C’est un premier point.
Et puis, il n’est pas dit qu’un but ne se marque pas forcément à la première minute ou à la 10ème minute, ça peut se marquer à la dernière minute, et vous l’avez suivi contre le Congo, donc pour nous, sans cet élément, évidemment l’équipe pourrait bien marquer, mais cela a déstabilisé déjà, parce que le 26 a crié partout, pour leur dire attention, ne jouez pas, tout cela vient déstabiliser l’équipe, donc ce n’est pas un fait de jeu seulement, il faut appliquer la règle, c’est ce que nous demandons maintenant.
Ceci dit, nous disons que les causes sont lointaines, et puis nous avons commencé par deux défaites lors des deux premiers matchs, et nous prenons les dispositions nécessaires, l’encadrement s’est ajusté, elle est dynamique, et vous avez vu avant la Guinée ne marquait pas plus de deux buts, mais on a vu en trois matchs, ils ont marqué huit buts, cela montre que l’ensemble des changements qui sont intervenus depuis le match contre le Mozambique, la Guinée a appris ses leçons. Vous avez vu un nouveau gardien, qui a montré sa capacité de s’adapter.
Vous avez vu des milieux de terrain à l’œuvre, qui ont permis aujourd’hui de trouver une ligne préférentielle pour Guirassy, et qui a permis de démontrer que ce n’était pas à Guirassy de s’adapter à l’équipe, mais plutôt l’équipe devait jouer pour lui, et ce sont des avancées extrêmement importantes que nous avons eues. Cela a permis de positionner notre compatriote parmi les meilleurs, parce qu’il n’arrivait pas à marquer en équipe nationale. Donc, reconnaissez qu’il y a eu des efforts à ce niveau. Maintenant, l’autre problème qui est structurel, que tout le monde connaît, c’est la question des matchs à domicile.
Justement, Serhou Guirassy a dit que le foot guinéen a besoin d’organisation. Il soutient que le fait de jouer tous ces matchs à l’extérieur, loin des supporters, c’est quelque chose de compliqué. En Guinée, beaucoup se demandent comment se fait-il que la Guinée après plus de 60 ans d’indépendance, n’ait aucun stade homologué.
Des travaux de rénovation des deux stades ont été lancés. Mais à date, où en êtes-vous M. Le ministre ?
Avant de parler de ça, il faut reconnaître que le match que nous avons perdu, qui fait objet de ce litige, c’était un match à l’extérieur. C’est-à-dire que nous ayons un stade homologué ou non, le match contre la Tanzanie, il devait se jouer à l’extérieur. Il faut le dire. Le match qui était à domicile, c’est un seul que nous avons perdu, c’est le match contre la Tanzanie à Yamoussoukro. Donc, je veux vous dire que la question ne peut pas forcément se poser. Ce qui est important, c’est que ce match-là, il devait permettre la qualification de la Guinée. Donc, ce n’est pas un argument que nous pouvons mettre en avant par rapport à cette question de ce match contre la Tanzanie.
Maintenant, il y a une question conjoncturelle et structurelle. Le problème de stade est une question conjoncturelle. Depuis notre indépendance, nous n’avons pas réussi à homologuer nos stades. Mais quand nous avons pris fonction au mois de mars 2024, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour faire avancer cet agenda. Vous avez vu les efforts qui sont en train d’être fournis sur le terrain. Du côté du stade du 28 septembre, aujourd’hui, l’entreprise, malgré les difficultés financières, a réussi à faire des avancées extrêmement importantes qu’on n’avait jamais faites depuis que le projet a commencé. Et vous le savez certainement nous venons d’avoir un bureau de Véritas, sinon on n’avait même pas un bureau de contrôle. Donc nous avons fait les meilleures évolutions en termes de travaux, mais aussi en termes de contrôle et l’ensemble des acteurs. Ce qui est certain, en 2025, cette question sera résolue et nous voulons qu’elle soit résolue de manière durable.
Le stade de Nongo, le président a pris, si je puis dire, tout le risque avec tout le courage nécessaire d’engager deux stades en même temps. C’est très difficile d’engager les travaux du stade de Nongo et du stade du 28 septembre en même temps. Mais depuis août 2023, le président a montré clairement la volonté de la Guinée de résoudre cette question de manière durable. Et aujourd’hui, cela coûte énormément d’argent, parce qu’un stade, c’est pratiquement une rénovation. Un stade, c’est autour de 200 millions de dollars. Si vous prenez les deux stades, vous allez vous retrouver à 400 millions de dollars en termes de construction nette. Maintenant que c’est une rénovation en profondeur, certainement, on ne va pas atteindre ce montant. Mais c’est le budget national de développement, le BND, qui le finance. Et ce n’est pas en EPCF, ce n’est non plus un BOT, mais c’est dans le cadre du budget national de développement que le président est en train de faire ce travail-là. Et je peux vous rassurer qu’en 2025, cette question sera définitivement résolue.
Alors, parlant toujours de ces stades, aujourd’hui, quel est le taux d’exécution des travaux ?
Je pense qu’il faut aller visiter le terrain. Mais ce qui est très important, c’est que le stade du 28 septembre, d’ailleurs, est passé parmi les priorités présidentielles. Je peux vous dire que les travaux sont autour de 70 %. Ils ont commencé à faire descendre l’engrais pour commencer à semer les gazons à partir de décembre. Si les gazons sont semés, il faut attendre trois mois. Donc, ce qui veut dire décembre, janvier, février, il y aura des pelouses praticables au stade du 28 septembre et, évidemment, du côté de la tribune, nous pourrons avoir une capacité pour un début de 18 000 places parce qu’actuellement ce sont 15 000. Ce qui nous permettrait, à partir de mars d’avoir le stade du 28 septembre disponible. Ce qui nous permettrait de jouer le match contre l’Algérie pour la coupe du monde, à domicile. Je veux parler du calendrier du 21 mars 2025.
Du côté de Nongo aussi, les travaux avancent. Les entreprises ont perçu toutes les avances pour le démarrage. D’ailleurs, côté génie civil, l’entreprise a déjà sa première avance de décompte, les travaux sont en cours.
Les toilettes, aujourd’hui, sont en train d’être refaites. Maintenant, il y a la deuxième phase. Il y a ceux où nous déplaçons les vestiaires et les autres. Et tout ceci est en discussion. Pour le gazon, l’entreprise italienne est en train de prendre les dispositions nécessaires. Et nous pensons aussi que, du côté de la pelouse, ce sera une pelouse naturelle et que plus tard mars, on pourrait aussi avoir des pelouses qui tiennent la route à ce niveau.
Donc, ce que je peux dire aux Guinéens, c’est que 2025, si on maintient la stabilité dans notre pays comme nous le souhaitons, et que les travaux évoluent, le problème de stade, pour la Guinée, ce sera un lointain souvenir. Les deux stades seront quand même à hauteur de le faire.
Et chaque deux ans, nous allons nous battre pour avoir aussi un ou deux stades homologués, ce qui permettrait au plus tard 2030 d’avoir six stades homologués dans tout le pays avec une animation sportive dans toutes les régions. Ce qui nous permettrait d’aller postuler valablement pour l’organisation de la coupe d’Afrique des Nations ou le CHAN. Tout cela serait déjà possible surtout avec le projet Simandou.
Pour vous, c’est quoi le véritable problème du football guinéen ?
Mais le vrai problème, c’est le manque de développement du sport à la base. C’est-à-dire, si vous avez remarqué, il y a des années, le sport à la base a complètement manqué. Nous avons 28 clubs d’élites qui jouent en divisions A et B, et qui jouent principalement dans la zone spéciale de Conakry, avec seulement trois équipes qui jouent à Boké, Siguiri et à Kankan. Tout le reste se concentre à Conakry. Tout le territoire national n’en avait pas. Depuis notre arrivée, nous avons relancé le sport à la base. C’est au mois d’avril que moi-même, j’ai lancé le tout premier match doté du président dans la sous-préfecture de Tondon. Et j’avais annoncé qu’à partir de cette date, nous allions œuvrer pour que le sport se pratique à la base, c’est dans ces conditions que nous avons lancé la coupe du président et avons demandé à tous nos compatriotes de soutenir cette initiative. Ce qui fait qu’aujourd’hui dans toutes les préfectures, sous-préfectures et dans toutes les régions, la coupe du président se dispute partout.
Chaque week-end ou chaque dimanche, c’est une finale un peu partout. C’est le coup d’envoi par-ci, par-là. Et cela démontre qu’il y a un engouement pour le sport à la base que nous voulons concrétiser en créant les 33 clubs dans les préfectures, les 14 clubs dans les communes urbaines de Conakry. Et demain déjà, nous allons lancer la première formation des encadreurs de ces clubs, avec la première séance pour l’Institut national du sport qui, depuis 1984, avait fermé ses portes. On va commencer par la formation de ces encadreurs et nous souhaitons que l’élan du président qui a commencé puisse s’étendre sur toute l’année dans toutes les préfectures
Alors, si nous sommes qualifiés parce que nous devons être qualifiés pour la CAN 2025 car convaincu que la faute de la Tanzanie sera sanctionnée, nous allons continuer à investir aussi bien à l’international qu’à la base. Et nous sommes en train d’élaborer les textes d’application de la loi sur le sport. Cela nous permettrait d’investir beaucoup d’argent dans le sport à la base. Ce qui nous permettrait de rattraper notre retard.
Donc, pour nous, il y a deux retards extrêmement importants. Il y a non seulement du retard dans toutes les préfectures du pays, mais aussi, il n’y a pas d’animation à la base. Les stades ne se remplissaient pas et les préfectures ne jouaient pas contre elles. Les tournois inter sous-préfectures avaient disparu. Les inters scolaires avaient disparu. Au niveau régional, la dernière édition remonte au temps de feu général Lansana Conté, il y a de cela 15 ans après. Ce sont là des causes lointaines que nous sommes en train de corriger dans le cadre de la refondation.
A suivre
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