Le ministre Ousmane Gaoual sur RFI : » Il n’y a pas de prison à Kassa « ( Entretien).

Le ministre Ousmane Gaoual sur RFI : » Il n’y a pas de prison à Kassa « ( Entretien).

Le ministre des transports, porte-parole du gouvernement, de passage à Paris a accusé une interview à RFI sur l’actualité socio-économique de la Guinée. Ousmane Gaoual Diallo a évoqué entre autres la fin de la transition, la disparition des militants de la société civile Oumar Sylla “Foniké Menguè”et Mamadou Billo Bah, le projet de nouvelle constitution, la plainte contre le général Mamadi Doumbouya à Paris. Interview
RFI : La société civile et les partis politiques guinéens préparent une manifestation pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel avant le 31 décembre 2024, comme s’y était engagé initialement le président de Mamadi Doumbouya. Or, le Premier ministre Bah Oury a déjà dit que ce sera au-delà de cette date. N’irions-nous pas vers un nouvel affrontement entre le pouvoir et l’opposition en Guinée ?
Ousmane Gaoual Diallo :<span;> Non, cependant, il est naturel de noter qu’il y a une certaine partie de la classe politique guinéenne et des organisations de la société civile qui ne veulent pas rentrer dans le processus de dialogue, d’échange, qui a été initié pour faire en sorte que cette transition se déroule très bien. Donc elle utilise tout ce qui est possible pour faire en sorte de jeter l’anathème sur ce qui se passe en Guinée. Clairement, cette transition ne connaîtra pas sa fin à la fin de l’année 2024, cela a été acté. Pour plusieurs raisons, puisqu’un engagement pour sortir de la transition avait plusieurs facettes. Il y a un processus qui est déroulé en étapes avec des tâches qui en découlent et une mobilisation financière, aussi bien interne qu’internationale. Il y a beaucoup de choses ont manqué, alors nous ferons ce qui est possible.
Le président de transition s’était engagé à ce que le référendum constitutionnel se tienne au moins cette année. Où en êtes-vous des préparatifs ?
Actuellement, la constitution de ce fichier électoral fiable et accepté par les acteurs est en cours. Et c’est pour ça que nous avons invité tous les acteurs à se mobiliser pour que l’électeur, le citoyen guinéen puisse se faire enrôler (sur les listes électorales). Parce qu’en l’absence d’un fichier électoral, cela peut encore être un problème. Or, certains font la campagne pour que les acteurs politiques et les citoyens ne se s’enrôlent pas… et après, ça va devenir un problème. Mais nous comptons bien organiser le référendum d’ici la fin de l’année.
Création d’un nouveau fichier électoral. Il y a la saison de pluie qui s’annonce. Est-ce que, clairement, cela ne nous mène pas au-delà du 31 décembre pour ce référendum ?
Toutes les dispositions sont prises pour que ça ne le soit pas. Maintenant, le contexte du terrain, la situation locale, d’autres facteurs pourraient venir retarder cela. Si c’est le cas, le gouvernement prendrait la responsabilité de communiquer. Pour l’instant, nous sommes dans une dynamique d’aller vers le référendum à la fin de l’année.
Comment est-ce que ça sera possible avec ces aléas, avec cette question du fichier électoral qu’il faut refaire ?
La tâche est immense, mais nous ne sommes pas dans un recensement électoral. Nous sommes dans un recensement pour l’élaboration d’un fichier d’état civil du pays d’où sera extrait la classe électorale de la Guinée. C’est donc c’est une démarche inclusive et pas seulement avec des objectifs électoraux. Maintenant, il faut beaucoup d’engagement. Il faut que les acteurs aussi se mettent dans cette dynamique là pour sortir le pays. Ce qui est contradictoire, c’est d’un côté, exiger un retour à l’ordre constitutionnel et de l’autre côté, poser systématiquement des actes qui soient de nature à retarder la fin de cette transition.
Si on comprend bien, le référendum constitutionnel risque de glisser un tout petit peu. Il n’y a pas de nouvelles dates données jusqu’ici pour la fin de la transition, est-ce que celle-ci a été renvoyée aux calendes grecques ?
La transition guinéenne n’a pas pour vocation de dire que nous commençons un processus électoral et nous le terminons pour que d’autres acteurs viennent. C’est une question de refondation. Il faut recréer beaucoup d’autres facteurs pour que les Guinéens puissent dire que maintenant, le retour à l’ordre constitutionnel, ça ne veut pas dire la fin de la transition. Ce sont deux thèmes complètement différents. Il faut que les uns et les autres comprennent très bien que les militaires ne sont pas venus au pouvoir pour dire : « on organise l’élection, puis on se pousse pour que l’autre s’installe ».
Quelles sont les conditions pour que les militaires partent ?
Ce n’est pas une question de dire que les militaires partent ou les civils viennent. C’est de dire que, pour la refondation de l’État, il y a des facteurs que nous devons mettre en place. La société guinéenne est dérégulée depuis plusieurs années. Depuis 40 ans, c’est par cycles de cinq, six ans, que nous connaissons des crises. Il faut les régler. Cela passe par créer d’autres mécanismes de règlement des contradictions de la société guinéenne, par le dialogue. Et c’est justement à ce dialogue que les acteurs politiques – certains d’entre eux – refusent de participer. Or, si vous ne dialoguez pas, qu’est-ce qu’il vous reste ? C’est l’affrontement… Et nous voulons éviter que l’affrontement soit le mécanisme approprié au règlement des contentieux qui peuvent naître dans la société guinéenne.
Mais aujourd’hui, quels sont ces critères qui vont permettre à la junte au pouvoir de dire : « C’est l’heure, nous pouvons maintenant partir, » ou « nous pouvons changer de système » ?
Il y a un certain nombre de thématiques qui ont été déroulées, qui ont été mises en place et qui comportent des étapes, dont ce recensement général de la population avec l’élaboration du fichier d’État civil, l’organisation du référendum avec l’adoption d’une constitution, le déroulé des différentes étapes du processus électoral et la mise en place de différentes institutions réformées, le cadre économique, aussi révisible. Vous savez que<span;>la Guinée va lancer son « projet Simandou », qui est un projet de développement majeur avec des revenus financiers attendus importants. Il faut cadrer tout ça et organiser pour dire que, oui, nous laisserons un pays avec des soubassements solides pour un socle de développement stable sur lequel les Guinéens pourront bâtir leur avenir.
C’est un programme à long terme.
C’est un programme à moyen terme.
C’est-à-dire combien d’années ?
Je n’en sais rien, le contexte le déterminera.
Trois, cinq ans ?
Nous en sommes déjà à trois ans, donc il faut considérer que nous serons au-delà de trois ans.
Trois années supplémentaires ?
Je n’en sais rien si c’est trois ans qui sont nécessaires ou pas… Parce que nous ne voulons pas fixer notre transition dans un calendrier pour dire c’est un an, deux ans, trois ans ou quatre ans. Nous voulons dérouler des étapes. Et c’est l’atteinte de ces objectifs-là qui permettra de fixer la fin de la transition.
Donc, vous allez être juge et parti. C’est vous qui allez décider quand vous mettrez fin à la transition.
Nous avons mis très rapidement dans l’article 77 de la Charte qui gouverne actuellement le pays, que ces termes-là, ces éléments-là, doivent être discutés entre la société civile, entre les forces vives de la Guinée et les autorités. Or, les forces vives sont absentes du pays et ne veulent pas participer à ce dialogue. Comment voulez-vous construire ?
De nombreux Guinéens estiment aujourd’hui que, près de trois ans après le coup d’État militaire, la gouvernance et leurs conditions de vie ont empiré. Que leur répondez-vous ?
Je pense qu’il y a un certain nombre de nos compatriotes qui, malheureusement, se plaisent à construire un narratif négatif pour jeter l’anathème sur la transition. Mais je vais vous dire, si vous regardez les facteurs de stabilité économique : prenez la monnaie guinéenne, en 3 ans, le franc guinéen n’a pas connu de variation. La monnaie est restée stable malgré toutes les autres monnaies qui connaissent des yoyos. Vous regardez aujourd’hui les hauts cadres de l’État, on a mis au niveau international les salaires. Aujourd’hui, un secrétaire général des ministères est payé quasiment à 3000 dollars par mois, alors que quand on est arrivé, il émargeait à 600$. On a mis en place de quoi attirer les compétences, notamment les Guinéens qui ont des qualifications et qui sont formés à l’étranger. Si ce sont des pertes de pouvoir d’achat ou de dégradation des conditions de vie, à voir. Maintenant, il y a des facteurs sur lesquels le retard est important : l’électricité, l’eau, les infrastructures routières. Ce sont des secteurs qui ont été oubliés depuis l’indépendance. Il faut donc apporter des réponses appropriées à cela. Mais est-ce que c’est une transition de trois ans qui peut régler ces questions-là ? Je pense que là, c’est faire un jugement un peu trop hâtif et un peu trop sévère sur la transition guinéenne.
Leurs proches, le FNDC (Front national pour la défense de la Constitution), était sans nouvelles des deux figures de ce mouvement Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, enlevés par des militaires lourdement armés depuis plus de deux semaines. Un témoin, qui était avec eux au moment de l’arrestation, assure qu’ils ont été menacés, torturés, avant d’être conduits dans un camp militaire à l’île de Kassa, au large de Conakry. Quelle est votre réaction ?
Ce sont des histoires… et c’est dommage. Les autorités judiciaires, affirment qu’ils ne sont entre les mains d’aucune institution du pays, ni dans la police judiciaire, ni arrêté par n’importe qui. Donc, il lance un appel à ceux qui ont des informations. Ce qui est pernicieux dans cette communication, c’est de faire croire et de dire : «Oui, ils sont enlevés par des militaires lourdement armés». Il n’y a pas de prison à Kassa. La prison sur les îles de Conakry se trouve à Fotoba, c’est une île qui est en face. Ils se disent aussi « torturés<span;> », etc.  Je pense que construire ce type de narratif-là, quand vous dites «on a enlevé trois personnes <span;>» et la troisième personne est quelque part au Sénégal, puis les deux autres ne sont pas retrouvées. Il y a sujet à créer de l’amalgame qui peut même compliquer la vie de ces gens-là, s’ils étaient dans une situation difficile. Donc, je pense que ce que les acteurs de la société civile devraient faire, s’ils ont des informations objectives, c’est de se rapprocher de structures judiciaires pour permettre à l’État d’avoir accès à ces informations, de mener ces investigations et de retrouver ces citoyens-là parce que ce sont des compatriotes. C’est ce que les autorités judiciaires disent. Maintenant, si l’objectif c’est de dire : « Oui, on va dire qu’ils sont enlevés, torturés au palais présidentiel et exécutés <span;>». Ça, c’est de la propagande qui n’a aucun autre intérêt que la volonté de nuire à l’image et à la réputation de cette transition. Je ne pense pas que cela soit bénéfique pour les acteurs concernés, s’ils étaient dans les mains des ravisseurs de qui que ce soit. Donc, l’État met les moyens en place, les autorités judiciaires mettent les moyens en place pour les retrouver et je pense qu’hier, leurs avocats sont allés fournir des informations au parquet et le parquet va continuer, avec ces informations-là, ses recherches.
Donc, vous dites très clairement que le gouvernement guinéen n’a aucune nouvelle de ces deux personnalités ?
Aucune nouvelle, et c’est clair, le procureur général a fait une déclaration claire et limpide là-dessus.
Leurs proches assurent qu’ils ont été arrêtés par des hommes en armes et en uniforme militaire. Est-ce qu’il y a des services qui échappent à l’autorité de l’État ?
D’abord, ce n’e sont pas leurs proches qui s’expriment. Les gens qui expriment ces communications sont à Paris.
Monsieur le porte-parole, je viens de l’apprendre en même temps que vous. Les épouses des deux activistes disparus viennent de porter plainte ici à Paris, contre le président de transition Mamadi Doumbouya pour « disparition forcé». Quelle est votre réaction ?
Que des membres de leurs familles estiment qu’il est temps qu’ils portent plainte sur la disparition présumée de leurs époux, c’est tout à fait normal. Il faut saisir une juridiction. Ils auraient pu saisir les juridictions guinéennes. S’ils ont choisi de saisir les juridictions françaises, c’est une bonne chose. Peut-être que celles-ci permettront d’apaiser leurs craintes. Et ce qui est dommage, et ce qui est regrettable, c’est que des acteurs de la société civile perdus, des acteurs politiques perdus, essayent de greffer à cette inquiétude légitime leurs préoccupations. Pourquoi indexer le président de la transition, le ministre de la Défense ? Pourquoi indexer des personnalités contre lesquelles il n’y a aucune preuve. Là est la manipulation, là est la propagande. Je pense que les gens-là – les membres, les parents, les proches de ces deux personnes – seraient mieux avisés de dissocier leurs actions judiciaires légitimes à l’action politique et de propagande que certains essaient de greffer sur leurs propres émotions, c’est quelque chose de regrettable.
Le général Sadiba Koulibaly, qui était numéro deux de la junte, est mort en détention. Le procureur militaire a parlé d’un «arrêt cardiaque<span;> » qui aurait été provoqué notamment par « un stress prolongé<span;> ». Est-ce que le gouvernement sait aujourd’hui avec exactitude ce qui a provoqué cet arrêt cardiaque ?
Je pense que le rapport médical était clair. Il a été rendu à sa famille, ce qui est aussi important. Aussi, la famille a été avisée qu’ils avaient la possibilité, à partir du moment où ils ont récupéré le corps, de faire une contre-expertise pour pouvoir éventuellement saisir les juridictions s’ils avaient des doutes. Je pense qu’à ce jour, il n’y a pas eu une seule démarche judiciaire des membres de la famille. Je pense qu’il faut s’en tenir à cela. Si vous ne faites rien, je pense que c’est parce que les conclusions vous rassurent, quels que soient les regrets qu’on peut avoir par rapport au décès d’un officier.
Aujourd’hui, de nombreuses voix dénoncent une dérive autoritaire – ou même plus – du régime guinéen. Que leur répondez-vous ?
Je pense qu’il y a une volonté, comme je l’ai dit tantôt, d’un certain nombre d’organisations – il y a deux, trois partis politiques, l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) en l’occurrence, avec son président Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé et puis Sydia Touré – qui construisent ce narratif avec quelques acteurs de la société civile pour faire croire que la Guinée, c’est le goulag, c’est l’enfer. Mais je pense qu’il y a beaucoup d’ambassades qui sont accréditées en Guinée. Les organisations internationales sont aussi des observateurs qui peuvent rendre compte de la situation de la Guinée.
Certaines ambassades, certaines organisations des droits de l’homme, ont manifesté leurs inquiétudes par rapport au respect des droits de l’homme.
Il y a eu effectivement un certain nombre de rapports qui disent qu’il y a eu des victimes pendant les manifestations. Un certain nombre de nos concitoyens ont perdu la vie, c’est vrai. Mais qu’est-ce que l’État de droit a fait ? On ouvre des enquêtes, des officiers de gendarmerie, des officiers de police ont été arrêtés et inculpés à l’occasion de ces manifestations, qui ont donné lieu à des morts de personnes.
Combien ont été arrêtés ?
Il y a, à peu près, huit personnes qui ont été inculpées, et, je crois, une personne a été jugée et condamnée à dix ans de prison.
RFI

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L'Equipe de la Rédaction