“Les trois dates m’ont trouvé à Conakry. J’étais au côté de mon mari qui avait demandé à la population de sortir massivement, accueillir le général De Gaulle (…). La population s’est mobilisée de l’aéroport de Conakry jusqu’au palais du gouverneur où le général devait venir. Toutes les rues étaient pleines de monde. Le général De Gaulle était tellement heureux qu’il a dit n’avoir jamais reçu de réception comme à Conakry.
Après avoir passé un moment chez le Gouverneur, ils sont allés à l’Assemblée où devait avoir lieu la réception. Là, la population était massivement mobilisée autour de l’Assemblée. Ce jour, j’étais comme une militante. Je n’étais pas entrée dans l’assemblée. C’était Saifoulaye qui était le président de l’Assemblée territoriale. Il a fait un discours de bienvenue au général De Gaulle. Après, ça a été le tour de mon mari. Comme il a une voix très forte là; et la population était là aussi pour acclamer à chaque fois. Il a salué d’abord le général De Gaulle. Il a expliqué qui était le général… Il fait son discours. Il a dit entre autres, que l’histoire ne retiendra pas que la France généreuse a voulu nous donner l’indépendance et que nous avons dit que nous préférons rester colonies. Et le jour de l’élection, il votera Non à la proposition qui lui est faite.
Cela a choqué le général De Gaulle. Il a changé de couleur d’abord. Il était très fâché. Il ne pouvait pas cacher cela. Il s’est levé pour donner la réponse. Il a dit : On a parlé de l’indépendance du haut qu’ailleurs. L’’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre en votant Non à la proposition qui lui est faite. Et dans ces conditions, la France ne fera pas d’opposition. La France en tirera des conséquences. Mais d’opposition, elle n’en fera pas. Et la Guinée pourra suivre la voie qu’elle voudra. La foule a acclamé dehors. Mais cela a choqué De Gaulle. En sortant, il a laissé son képi sur la table. Mais un de ses garde-corps l’a pris. Les français étaient tellement en colère qu’ils ont annulé le banquet qui était prévu. Ils ont dit que c’était un simple cocktail. Mais, nous, cela nous importait peu”, témoigne Hadja André Touré.
Le 28 septembre, jour du référendum
Le référendum en Guinée a été minutieusement préparé, à en croire Hadja André Touré. Elle affirme que le peuple de Guinée était fortement mobilisé. Le président Sékou Touré communiquait beaucoup avec son peuple.
“Je crois que c’était un gros avantage. Il racontait tout au peuple pour que celui-ci comprenne. Il a donc dit, le 28 septembre, que le peuple aille voter. Mais les gens restent très disciplinés. Parce qu’il fallait éviter le trouble. Et les gens ont obéi. Tous les partis se sont alignés derrière le PDG. Tout le monde voulait l’indépendance. La population guinéenne est restée disciplinée. Chacun est allé voter et est rentré chez lui. La ville était calme. Un journaliste français a dit que Conakry était comme une ville morte”, martèle l’épouse du père de l’indépendance guinéenne.
2 octobre 1958. Les femmes guinéennes au devant des scènes
Le jour de la proclamation de l’indépendance de la Guinée, les femmes ont joué des rôles de premier plan, d’après Hadja André Touré.
“Les femmes guinéennes ont toujours été braves. Nous avions des grandes femmes, comme Mafory Bangoura, Hadja Ngamet Touré et tant d’autres, qui mobilisaient (…)”, témoigne-t-elle.
Les avoirs volés de la Guinée
“Le jour des élections, pendant que le peuple avait reçu la consigne d’être très calme, voter et rentrer, c’est le moment où Mesmer, le haut-commissaire de la France de l’Outre-mer, a choisi d’envoyer des soldats français dans un bateau. Ils sont allés directement à la banque. Ils l’ont ouvert, ils ont sorti tous les avoirs qui étaient là. Ils les ont amenés dans le bateau. Ils ont profité parce que Sékou Touré était très occupé. Ils ont sorti tout ce que nous avions comme avoir dans les banques”, regrette l’ancienne première dame de la Guinée.
Le pays a certes accédé à son indépendance, mais dans un contexte économique précaire.
“L’indépendance de la Guinée débutait avec zéro franc en banque. C’est le président Kwame Nkrumah qui a fait un prêt sans intérêt à la Guinée. Les français ont été très méchants à l’époque. Même quand le gouverneur français quittait sa résidence, ils ont tout emporté. La vaisselle qu’ils n’ont pas pu prendre, ils l’ont cassée…Ils ont déshabillé les soldats guinéens, ils ont brûlé leurs habits… Ils ont enlevé les tôles dans les camps”, déplore Mme Touré.
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