Ces conséquences dont nous commençons à sentir les premiers effets ne sont, malheureusement hélas, qu’à leur début et iront sans nul doute crescendo, quelle que soit la capacité de réaction et la promptitude avec laquelle le CNRD et le Président de la Transition réagiront, compte tenu de la dynamique interne de la catastrophe. Ils seront difficiles à circonscrire, dans ce pays qui, bien avant, était déjà plombé par une crise politique, économique, financière et sociale.
À ce jour, les populations Guinéennes s’interrogent sur les causes réelles de cette catastrophe qui demeurent pour elles une véritable énigme, qu’il serait bon d’élucider et de rendre public le plus tôt possible.
Les autorités de la Transition sont également attendues pour donner des indications sur les dispositions envisagées pour la réparation des énormes dégâts et destructions provoqués par l’explosion, notamment la construction et la mise en exploitation d’un nouveau dépôt d’hydrocarbures en dehors des zones d’habitation de Kaloum et des autres communes déjà surpeuplées de Conakry.
Ces éléments pourront également mieux édifier les populations sur la détermination et la capacité des autorités à sortir le pays de l’immobilisme de la crise et d’éradiquer très vite la pauvreté et la misère qui semblent faire leur nid à Conakry et ailleurs dans l’arrière-pays depuis cette tragédie.
En fait, il ne faut guère se méprendre sur la situation économique qui est celle de la Guinée depuis cette nuit fatidique du 18 décembre : elle est difficile, désarticulée et tributaire d’un manque de carburant.
Partout, des mesures de rationnement sont mises en vigueur, rendant les déplacements des citoyens (fonctionnaires, opérateurs, bref, de tous les travailleurs) difficiles ainsi que le transport des biens et produits.
En fait, on oubliait trop vite que les produits pétroliers sont à l’économie ce qu’est le sang au corps humain.
Ce sont eux et rien qu’eux qui irriguent toutes les artères du circuit économique, social et autres.
Aussi est-il vital qu’un approvisionnement correct et régulier, comme d’avant l’explosion du 18 décembre, soit vite rétabli partout sur le territoire national, de Koundara à Maleyah dans Siguiri, de Kanfaraden à Zozoou dans Lola.
Concernant la solidarité, je suis heureux de relever qu’elle a été effective au plan national dès les premières heures de la catastrophe. Elle s’est traduite sur le terrain à Kaloum en faveur des populations sinistrées. Le gouvernement y a répondu immédiatement ainsi que les associations, les partis politiques et surtout les populations qui ont, comme toujours, exprimé un élan de solidarité qui fait la grande marque de notre pays.
Cette fois également, les Guinéens l’ont montré depuis le 18 décembre et ont fait preuve en ces moments tragiques de notre histoire, et comme en 1958 ou en novembre 1970, de solidarité et de résilience.
Il faut souligner avec beaucoup de fierté que les Guinéens ont toujours fait montre de grande résilience, chaque fois que des événements douloureux ont exigé d’eux une telle attitude patriotique, un tel sacrifice.
Il est fondamentalement important dans les circonstances actuelles que cette solidarité ne soit pas un feu de paille, mais qu’elle s’inscrive dans la durée et bénéficie effectivement aux populations sinistrées, particulièrement celles de Kaloum, plus éprouvées que toute autre.
À l’heure actuelle, malgré l’âpreté du moment et la précarité de leurs conditions de vie, comme les périodes difficiles de Cheytane en 1975, les populations de Guinée, particulièrement celles de Kaloum, font face à la situation avec courage, sans récrimination ni complainte, pour accepter leur sort et s’en remettent aux autorités et à DIEU.
Pour l’heure, la commission de crise est à pied d’œuvre avec ses démembrements, travaille sans relâche à dresser un état global des lieux qui servira de base à une estimation des coûts ainsi qu’à l’action de réhabilitation, de reconstruction et autres, en vue d’une relance de l’économie et d’améliorer leur quotidien.
Le gouvernement, après cette étape cruciale, s’attachera à ne point douter à mobiliser à l’interne et à l’extérieur les ressources nécessaires à cette action salvatrice.
Dans cette perspective et compte tenu de la baisse des recettes (fiscales et douanières et aussi de celle du secteur minier) consécutive au ralentissement de l’économie imputable à l’explosion, un accent particulier sera mis surtout sur le financement extérieur pour compléter les ressources internes et compenser la baisse enregistrée à ce niveau.
À cet égard, je me permets de fustiger l’absence des institutions telles l’Union africaine et particulièrement la CEDEAO, dans cet élan de solidarité.
En effet, je n’ai guère entendu ou vu de messages de solidarité ni de soutien matériel de la part de ces honorables institutions, à plus forte raison de soutiens matériels ou financiers.
La solidarité dans ces situations tragiques ne contrarie en rien les nobles principes qu’elles cultivent notamment la bonne gouvernance, la défense de la démocratie, des libertés, l’état de droit et la condamnation des coup d’État.
Que le Sénégal et la Guinée Bissau, farouches défenseurs de ces principes, en soient remerciés pour leur soutien à la Guinée ainsi que la République jumelle du Mali dont le poumon a donné les premières doses d’oxygène à nos bronches asphyxiées par l’incendie.
Les autorités Guinéennes, après l’extinction de l’incendie, abordent maintenant une étape importante, celle de la mobilisation des fonds pour la réhabilitation des édifices publics détruits ou dégradés ainsi que des infrastructures endommagées et les équipements détruits.
Cette phase est prioritaire et doit être menée avec célérité par le gouvernement, en vue d’enrayer au plus vite les séquelles laissées par cette tragédie.
Si le gouvernement y parvenait dans un délai relativement court, alors la Guinée rebondirait très vite pour continuer sa marche tortueuse et sinusoïdale vers son développement économique et social, dont l’horizon s’éloigne sans cesse.
Le consensus actuel semble être favorable à la conduite de cette action de mobilisation qui va incessamment être enclenchée par les autorités. Je souhaite que toutes les couches de la population Guinéenne, notamment celles qui aspirent à gouverner ce pays, accompagnent le gouvernement dans cette action qui cible Kaloum et vise à remettre la Guinée sur les rails du développement, qu’ils participent à cette action de mobilisation.
Puisse alors que nos autorités soient acquises à cette nécessité et impliquent les filles et fils à même d’apporter quelque chose en ces heures difficiles par leur générosité à cette action de reconstruction, par leur compétence et leur disponibilité. Les Guinéens aujourd’hui, plus qu’hier, ne rêvent que d’une seule chose : voir leur pays, la perle d’antan de l’AOF, quitter enfin le peloton de queue de ces pays dans leur marche vers le progrès en Afrique de l’Ouest, qu’elle ferme depuis trop longtemps déjà.
Vive la patrie !
Que Dieu bénisse la Guinée.
L’ambassadeur Djigui Camara
Ancien Ministre de la Coopération internationale